Quand les mots naissent de l’argile !
Quand les mots naissent de l’argile !
Retour sur le tout premier dictionnaire de l’humanité
Nadine Sayegh-Paris
Bien avant Larousse et Le Robert, les premiers dictionnaires ne se feuilletaient pas : ils se décodaient. Et pour cause, ils étaient gravés sur des tablettes d’argile, et ceci il y a bien plus de 4 000 ans, en Mésopotamie.
C’est là, entre le Tigre et l’Euphrate, que les Sumériens, inventeurs de l’écriture cunéiforme, ont voulu organiser le monde à travers les mots. Ils ont compilé d’immenses listes de termes, d’animaux, de métiers, d’outils, de plantes, de dieux, le tout servant à enseigner la lecture et la traduction entre le sumérien et l’akkadien.
L’une d’elles est la ‘hubullu’, baptisée Urra, reconnue aujourd’hui comme le tout premier dictionnaire de l’humanité. Il date du IIe millénaire avant notre ère. Conservé au Louvre, il est un exemple remarquable de cette forme ancienne de liste de mots. Une version canonique qui comprend 24 tablettes.
Des siècles plus tard, les Grecs reprendront le flambeau avec leurs glossaires, puis les savants arabes inventeront la forme moderne du dictionnaire. Au VIIIᵉ siècle, Al-Khalîl ibn Ahmad al-Farahîdî publie le Kitāb al-‘Ayn, premier dictionnaire alphabétique complet connu. Un tournant majeur car à ce moment-là, les mots cessent d’être seulement listés, ils deviennent classés et analysés.
Il faudra ensuite attendre la Renaissance pour voir apparaître en Europe les premiers dictionnaires bilingues, puis, au XVIIᵉ siècle, les ouvrages monolingues comme le Dictionnaire de l’Académie française.
Des scribes sumériens aux lexicographes modernes, la mission reste la même. Nommer le monde pour mieux le comprendre. Et si nos dictionnaires sont désormais numériques, ils continuent d’hériter d’une idée vieille de plusieurs millénaires : mettre un peu d’ordre dans le chaos des mots !




